89 % des commerçants abordent les soldes d’hiver avec un état d’esprit négatif, selon le Syndicat des Indépendants et des TPE (SDI), qui a mené une enquête auprès de 638 commerçants. Près de 64 % d’entre eux estiment qu’ils ne parviendront pas à écouler leurs stocks, malgré des démarques importantes dès le premier jour (-30 % en moyenne). « La fin d’année 2024 n’a pas été très bonne, entre les problématiques de pouvoir d’achat et les incertitudes politiques et économiques. Tout cela crée un climat qui n’incite pas les gens à consommer, explique Pierre Bosche, président de la Confédération des commerçants de France (CDF). Il y a donc de grandes attentes pour les soldes qui sont une deuxième chance ».
Faudrait-il décaler les soldes à fin janvier ?
D’autant plus que les Français épargnent davantage dans les périodes d’incertitude. La Caisse des Dépôts estime que le taux d’épargne a augmenté, passant de 16,9 % au 2e trimestre 2023 à 18,0 % au 2e trimestre 2024. « Ce qui n’est pas bon signe pour la consommation », souligne le président de la CDF, qui milite pour un report de la date des soldes au dernier mercredi du mois de janvier. « On a fait un sondage auprès des commerçants adhérents à nos fédérations, et plus de 80 % de répondants sont favorables à un report des soldes. »
La première raison évoquée est que le début des soldes intervient juste après Noël, une période où les Français engagent déjà une partie importante de leur budget. « La deuxième raison, c’est que les habitudes de consommation changent, et qu’il y a des modifications climatiques, poursuit Pierre Bosche. Nous n’avons plus de demi-saisons, pas vraiment d’automne, et le froid de l’hiver arrive plus tard. Les soldes démarrent quand l’hiver pointe le bout de son nez. Ce qui fait que les commerçants ont une période trop courte pour vendre au plein tarif. Il faut revenir à la logique des soldes. C’est-à-dire faire de la place pour les collections suivantes, et accessoirement réaliser la trésorerie pour les financer. »
D’où l’idée de décaler de quelques semaines, au dernier mercredi de janvier, pour prolonger la période de vente à prix plein. Cette idée n’est cependant pas partagée par tous les acteurs. L’Alliance du Commerce, qui réunit les enseignes de la mode et équipements de la personne, s’en tient au calendrier actuel. « Nous sommes plutôt optimistes, puisqu’on a bien fini l’année avec +2,6 % de chiffre d’affaires en décembre, affirme Yohann Petiot, directeur général de la fédération. On ouvre ces soldes dans un contexte économique différent de l’année dernière, avec une inflation qui a diminué et un pouvoir d’achat des Français moins contraints. On a une météo de saison, ce qui est favorable. Nous espérons que ces éléments permettront de maintenir cette belle dynamique du mois de décembre. »
Un flux constant de promotions
65 % des commerçants participeront aux soldes, selon le SDI, et beaucoup le font par nécessité plutôt que par conviction. L’année étant rythmée par différentes promotions (Black Friday, Cyber Monday, soldes privées, etc.), les soldes deviennent moins lisibles et n’augurent pas forcément une réussite économique.
« Toute cette frénésie de promotions diverses et variées pose un vrai problème, assure Pierre Bosche. C’est un phénomène qui s’est amplifié avec les opérateurs en ligne, notamment les pure-players internet. Ici, on entre dans une zone plus que grise, avec des références que l’on estime impropres. » Le président de la CDF fait notamment référence à l’analyse d’UFC-Que Choisir publiée en 2023. D’après un échantillon de 6 586 annonces portant un prix barré, seulement 3,4 % d’entre elles correspondaient à de véritables promotions opérées par les vendeurs. Les soldes sont quant à elles contrôlées, ce qui crée un système déséquilibré pour les commerces physiques.
Un constat que partage Yohann Petiot. « On ne peut pas dire que les soldes sont les mêmes qu’il y a 15 ans. Elles ont perdu de leur force, car les sites internet sont montés en puissance, et on peut y trouver des bas prix toute l’année. On ne prend plus une journée de RTT pour faire les soldes. »
Les soldes n’ont pas dit leur dernier mot !
« Ce qui est intéressant avec les soldes, c’est que c’est un évènement collectif qui met la lumière sur notre secteur et entraîne une communication forte », rappelle le directeur de l’Alliance du Commerce. 50 % des commerçants considèrent encore les soldes comme un levier indispensable pour leur activité, selon la SDI. Ce marqueur du calendrier reste pour beaucoup un déclencheur d’achat.
« Les soldes restent très importantes. Que ce soit les soldes d’été ou d’hiver, on a tous les dates en tête. On a besoin de ces marqueurs qui cadencent l’année, insiste le président de la CDF. C’est aussi l’occasion de faire valoir les qualités et avantages du commerce physique, du contact, du conseil et des essayages (…) Il ne faut pas manquer cette occasion. Au-delà du chiffre d’affaires, c’est la fidélisation de la clientèle qui est en jeu. »