Changer de casquette et devenir franchisé dans l’enseigne où l’on a été salarié, c’est possible… et même fréquent ! Mais pour que cette reconversion professionnelle soit une réussite, mieux vaut être bien préparé. Voici les meilleurs conseils issus de témoignages concrets pour franchir le pas sereinement.
1. Devenir franchisé : un projet qui se mûrit de l’intérieur
Des parcours inspirants de reconversion
Anita Baudoin est gérante de la boutique Cuisines Références d’Alençon (61) depuis trois ans : “J’avais 21 ans quand j’ai découvert l’univers de la cuisine. J’ai été embauchée en sortie d’études en tant que secrétaire, avant de gagner en autonomie dans le même magasin. J’y ai été salariée pendant 20 ans, avant de reprendre la concession de mon ancien gérant, en lui rachetant toutes ses parts.” Comme elle, 14 % des salariés de l’enseigne sont devenus adhérents.
Florian Perillon, a, lui, gravi les échelons en passant de livreur à propriétaire de sa pizzeria sous l’enseigne Pizza Cosy à Toulon (83). “J’ai démarré en 2016, à l’âge de 19 ans, en tant que livreur de pizzas pour l’enseigne à Saint-Etienne. Au départ, c’était un petit boulot, jusqu’à ce que, six ans plus tard, après avoir fait le tour de l’exploitation, je me sente prêt à ouvrir la mienne, mais ailleurs. Et qui plus est, aux côtés d’un jeune franchiseur en plein lancement”, explique l’entrepreneur qui a ouvert en décembre 2022. Il a désormais plus de deux ans d’activité. Il fait partie des 9 anciens salariés de l’enseigne à avoir ouvert à leur compte sur les 66 points de vente, soit 13,5 %.
Chez Monbana, ce pourcentage monte à 25 %. À l’image d’Anaïs Trottier et Olivia Carré, associées de la boutique située à La Mézière (35) depuis septembre 2023. Pour elles, c’était “comme une évidence”. Chacune a eu très vite envie d’évoluer au sein du réseau. “J’ai commencé un BTS vente en alternance dans la boutique de Laval, puis suivi un Bachelor dans celle de Châteaugiron, avant de rejoindre le magasin de La Mézière en 2017, où j’ai rencontré Olivia. Elle était en mission d’intérim, en renfort pour Noël, à l’époque. Elle a été définitivement embauchée par nos anciens gérants franchisés en 2018. Depuis, nous n’avons pas quitté le magasin”, témoigne Anaïs Trottier. Elles gèrent désormais leur boutique depuis bientôt deux ans.
Un choix réfléchi et assumé
Leur point commun à tous ? Avoir longtemps mûri leur projet de franchise et ne craindre ni la routine, ni la prise de responsabilités. “Selon une étude OpinionWay publiée en février 2024, si 1 Français sur 4 avait l’intention de créer son entreprise, 66 % d’entre eux avaient peur de l’échec. C’est pourquoi la franchise rassure le futur dirigeant par son modèle d’accompagnement. Mais si elle représente un levier d’émancipation, de réassurance et un ascenseur social, elle n’est pas non plus une assurance tous risques ! Devenir franchisé, c’est savoir se projeter dans son métier”, prévient Emmanuelle Vaillant, consultante associée chez Franchise Management.
2. S’appuyer sur son expérience pour construire son avenir
Monter en compétence dans son poste salarié
“En six ans et demi, j’ai tout fait, tout testé. Être opérationnel en magasin, répondre au téléphone, faire les sorties four. Jusqu’à l’obtention d’un poste de second, puis, au départ de mon patron, de responsable magasin. J’ai ensuite entamé des démarches pour ouvrir ma franchise à Toulon. Je suis parti en étant éclairé dans ce projet, et avec un certain enthousiasme à découvrir de nouveaux enjeux aussi, précise de son côté Florent Perillon. Car, à l’inverse, rester salarié serait devenu ennuyeux.”
Idem pour les franchisées Monbana, à qui leurs anciens employeurs ont finalement passé le flambeau : “Nous voulions plus de responsabilités car, au fil des dernières années, nous gérions déjà les alternances et les plannings de chacun.”
Comme pour Anita Baudoin, pour qui un bilan s’imposait. “Je savais tout gérer, les clients, la vente, les devis, etc. Je me suis demandé : quels avantages aurais-je à rester salariée ? Je n’en ai trouvé aucun pour m’épanouir. J’ai donc opté pour l’entrepreneuriat, pour le pouvoir décisionnel et le challenge de gérer une équipe. J’étais en plein doute au départ, mais une fois qu’on y a goûté, on a envie de plus”, admet cette dernière.
3. Changer de posture : du salarié au chef d’entreprise
Une remise en question nécessaire
Mais si ce nouveau statut est synonyme d’accomplissement personnel, il implique aussi des concessions qui bousculent l’équilibre de vie tout entier. Pour le nouveau dirigeant, il s’agit aussi de revoir tous ses acquis sous de nouvelles perspectives. “Il est d’ailleurs plus facile d’acquérir un savoir-faire qu’un savoir-être. Il s’agit là d’apprendre à sortir de sa zone de confort, de savoir remettre en cause sa stabilité de salarié. Puis, d’acquérir un nouveau métier à part entière”, pointe Emmanuelle Vaillant.
De nouvelles responsabilités à endosser
“J’ai participé à deux formations en management, se souvient le pizzaïolo. D’abord en tant que responsable magasin, puis en tant que franchisé.” Et ce dernier de poursuivre que “si se savoir compétent est une chose, gérer ses priorités dans l’opérationnel en est une autre. Je m’occupais des stocks, des embauches, de l’administratif des employés, des calculs de masse salariale…Tout ça n’avait plus de secrets pour moi. J’ai même appris sur un établissement pilote puisqu’il n’y avait pas encore de franchises à l’époque ! J’ai ensuite accueilli les premiers franchisés en formation. Mais démarcher le client, vivre des soirées calmes et donc angoissantes au démarrage, ça, c’était nouveau !”
Pour autant, son quotidien n’a pas vraiment changé : “Excepté le fait que tout repose sur mes épaules, n’ayant pas encore recruté un responsable magasin à qui pouvoir déléguer. Et qu’en succursale, j’avais un directeur sur qui m’appuyer en cas de doute.”
4. Anticiper les impacts sur sa vie personnelle
Continuité et fidélité des clients
Chez Monbana, cette fois, relate le duo, “la difficulté n’était pas de devenir opérationnelles ; nous l’étions déjà au lancement ; ni même d’apprivoiser le logiciel de caisse, de se souvenir des 250 références de produits exposés ou encore de savoir différencier un devis client en TTC ou en HT, mais bien d’évaluer notre propre temps de travail sur place. C’était plutôt une continuité. D’autant que la clientèle nous connaissait bien et s’est montrée très fidèle au magasin.”
Vie privée vs. vie professionnelle
Un autre enjeu consiste à incarner son commerce et à créer ou conserver sa réputation. Comme à imposer ses propres décisions. “Il y a un fossé entre être témoin et appliquer les décisions, puis les prendre soi-même, estime Anita Baudoin. Mon plus gros chantier, à la reprise, a d’ailleurs consisté à gérer un à un les dossiers conflictuels avec les clients concernés, quand mon ancien patron faisait l’autruche avec eux. Et de m’occuper de la communication locale en parallèle, ainsi que des campagnes radio.”
Et puis, sur le plan managérial, “l’ancienneté permet d’acquérir une certaine légitimité pour faire passer les bons messages aux clients, sachant que ce magasin existe depuis les années 80, mais également aux salariés, qui savent que je les comprends aussi. Je suis là pour les motiver et les faire évoluer, pas seulement pour regarder les chiffres”, complète la conceptrice.
Mais le futur entrepreneur ne doit pas non plus surestimer sa capacité de résilience, ni sa charge mentale. Le but étant de trouver l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. “Un tel projet …implique notamment une décision collégiale sur les changements à venir, aux côtés de sa famille, car les contrats de franchise sont conclus généralement pour une durée de 5, 7 ou 9 ans*, rappelle justement l’experte chez Franchise Management. De ce fait, même si Olivia Carré et Anaïs Trottier n’ont “pas eu besoin de déménager, la vie familiale est quand même chamboulée. Et on ne compte pas nos heures”.
Tout comme quand Florent Perillon explique “travailler 11 à 12 heures par jour afin d’économiser en masse salariale pour le moment”. Et que ce dernier tente de s’accorder “un jour de repos par semaine”. Mais pour cela, “il a fallu faire des sacrifices sur des moments de vie et de loisirs. Et que mon épouse vienne m’aider en tant que salariée. Mais dans la perspective qu’elle fasse autre chose de son côté plus tard, pour qu’on ne dépende pas l’un de l’autre”. En d’autres termes, “il faut, pour prendre son envol, se donner du temps pour s’autoévaluer”, résume Emmanuelle Vaillant.
Tous nos témoins ont d’ailleurs longtemps questionné leurs collègues et supérieurs avant de confirmer leur choix de se lancer en franchise. “Non seulement j’ai directement travaillé avec le fondateur la première année et retenu ses conseils, ce qui a été déterminant pour mon avenir, mais je n’avais ensuite qu’un seul directeur comme intermédiaire avec les deux frères fondateurs. J’ai donc, un jour, décidé d’aller les voir tous les deux pour leur demander s’ils me trouvaient compétent. Ça m’a conforté dans ce que je pensais de moi-même”, relate Florent Perillon.
“Nous n’avons qu’un seul conseil à donner aux futurs franchisés : se sentir entourés de personnes de confiance, qui savent apaiser vos inquiétudes, avant de vouloir vous lancer. Dans notre cas, nous savions déjà ce que nos patrons pensaient de nous. Et rien ne nous était caché sur les comptes !”, déclarent les deux associées qui louent la transparence de leurs anciens gérants. Et Emmanuelle Vaillant d’insister sur le fait qu’il est “primordial, au-delà d’avoir confiance en soi, et vis-à-vis du marché sur lequel on souhaite exercer, de se sentir en confiance avec le franchiseur, ainsi qu’avec sa méthodologie d’accompagnement. Mais l’inverse vaut aussi”.
5. Apprendre à piloter : finance, équipe, communication
Devenir un leader reconnu
Mais pour asseoir un jour la place qu’il mérite en franchise, un salarié d’enseigne doit aussi cultiver son leadership. “Passer le cap de managé à manager n’est pas si facile. Nous étions deux salariés à l’époque aux côtés de l’ancien gérant. Lui l’est resté, quand moi je suis devenue la patronne. J’avais aussi plus d’ancienneté que lui. Il a bien fallu 6-8 mois pour qu’il encaisse le coup. Il faut donc avoir cette capacité à se faire respecter. Et faire en sorte que chacun trouve sa place. Comme trouver les mots justes, au-delà de l’affect”, déclare Anita Baudoin.
“C’est pourquoi le candidat doit réaliser une introspection pour savoir s’il a la capacité d’être un leader ou non”, rajoute son point Emmanuelle Vaillant.
Se former au-delà du savoir-faire métier
Mais au-delà du manuel opératoire du franchiseur et de la formation initiale, il peut aussi y avoir des modules sur la gestion d’entreprise, des formations (externes ou pas) au management, ou des master class pour les franchisés. Il est en effet essentiel de savoir constituer son équipe, gérer les conflits entre les équipes, mener des entretiens annuels, etc.
6. Cultiver la relation avec son réseau pour ne pas rester seul
Rester curieux et bien entouré
Ultimes conseils pour savoir si l’on est fait pour la franchise ? Cultiver ses savoir-être, utiles à toute épreuve, tels que l’humilité et le soi de curiosité. “La preuve, nous sommes encore accompagnées par l’ancienne gérante qui n’a pas encore pris sa retraite et nous forme encore un peu. Avec deux alternants aussi pour nous épauler”, avoue le duo chez Monbana.
Et puis, “il faut toujours rester aux aguets, en ne pensant jamais que tout est acquis. Encore moins dans la restauration, même si votre affaire tourne bien”, note Florent Perillon. “Enfin, faites-vous confiance si vous pensez cocher toutes les cases. Car pour ma part j’avais déjà tout, sauf le titre officiel”, conclut Anita Baudoin.
Article initialement publié en janvier 2024 par Valentine Puaux, mis à jour et republié par Fabien Soyez en juin 2025.