Un premier état des lieux ?
« L’Île-de-France est le poumon économique de la France et reste une région extrêmement attractive, avec une forte densité urbaine, soutient Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, fédération qui œuvre pour la promotion du commerce spécialisé. C’est un territoire avec un très fort potentiel économique et commercial, mais également une forte concurrence à ne pas sous-estimer.” Les villes du Grand Paris, moins onéreuses que la capitale, attirent en nombre les enseignes de franchise. Avec ses infrastructures en plein essor, ses quartiers en mutation et ses ambitions économiques, le chantier du Grand Paris redessine la carte de la région.
Plus qu’un projet, c’est une véritable révolution urbaine. Le terme, qui englobe Paris intra-muros et sa petite couronne avec les départements des Hauts-de-Seine, du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis, et, à la marge, quelques villes de l’Essonne, se caractérise de fait par la “diversité” de ses territoires signale Nicolas Louis-Amédée, directeur du développement de l’Institut d’études de marché et de géomarketing Territoires & Marketing. Une diversité d’autant plus marquée que le Grand Paris accueille également des villes de la deuxième couronne, “ce qui accentue son hétérogénéité, ajoute-t-il, avec des villes très pauvres et d’autres très riches, des zones urbaines et d’autres périurbaines, voire rurales, et des zones très dynamiques en termes d’activité, avec des plateaux technologiques ou universitaires, et d’autres zones plus atones.” La clé pour réussir son implantation ? « Penser local, car d’une zone ou d’une gare à l’autre, il peut y avoir des profils de personnes différentes », signale Nicolas Louis-Amédée. Et de citer, en exemple, Le Raincy, dans le 93, « un îlot de richesses » versus le reste du département. Le Grand Paris se caractérisant comme « une multitude de marchés », Emmanuel Le Roch prévient que le potentiel de chacun de ces marchés doit être analysé.
Même s’il reconnaît que l’exercice peut s’avérer plus difficile, car les villes sont interreliées entre elles : « Avec les trajets domicile – travail, il y a une porosité qui n’est pas évidente à appréhender en matière de zone commerciale. » Pour lui, pas question de raisonner « en isochrone » ou par temps d’accès. Dans le cadre du Grand Paris, « les gens peuvent venir de beaucoup plus loin », soutient-il. Nicolas Louis-Amédée recommande de réfléchir en termes « de zone d’attractivité et non pas seulement en termes de zone de proximité, car les enseignes ne vont pas uniquement desservir les populations des communes ». Autre caractéristique de ce territoire aux multiples facettes qui « présente de nombreuses opportunités », il concentre « des revenus supérieurs à ceux des autres territoires français et donc un potentiel plus important », plaide enfin le délégué général.
De nouveaux quartiers
Toutes les villes bénéficient du dynamisme du Grand Paris et s’engagent dans des travaux de grande envergure. Leur point commun ? Les gares, installées dans chacune d’entre elles, qui font souvent jaillir de terre tout un nouveau quartier dans un objectif de mixité avec des logements et des commerces en rez-de-chaussée. Dans ce cas, « il faut projeter la zone sur plusieurs années. C’est un pari sur l’avenir », prévient Nicolas Louis-Amédée. Ce que confirme Emmanuel Le Roch : « Il faut regarder les projets urbains, ce qui se passe autour des gares.” Parmi les points de vigilance à avoir, la durée des travaux, qu’il ne faut pas sous-estimer. Il est nécessaire de « prévoir un temps de lancement plus long que sur un emplacement déjà existant”, prévient encore Nicolas Louis-Amédée. Avant d’ajouter : « On voit les gares trustées par de l’alimentaire comme Monoprix ou Franprix ou par des enseignes de restauration. Ces quartiers vont cibler des enseignes capables de s’implanter en pied d’immeubles pour répondre aux besoins du quotidien et aux activités de proximité.”
Dans les pôles universitaires comme Nanterre, Saclay, Créteil, Cergy-Pontoise ou dans des zones étudiantes émergentes comme Saint-Denis, Bobigny ou Évry, on voit également poindre une clientèle d’étudiants. Nicolas Louis-Amédée met en garde les futurs candidats : « Il faut regarder le type d’habitants. S’il s’agit d’une zone mixte, avec à la fois des salariés et des résidents, elle laissera de la place pour une plus grande diversité d’activités, comme des prestations de services à la personne.” Autre point d’attention, le télétravail, particulièrement marqué en Île-de-France. « Si l’on a une activité type restauration ou boulangerie, il faut être particulièrement vigilant, car le fonctionnement à proximité d’une zone de bureaux est plus aléatoire aujourd’hui avec le télétravail qu’il y a trois ou quatre ans”, avertit Emmanuel Le Roch. Et de préciser que dans certains quartiers, « la population la plus aisée a tendance à partir en week-end du jeudi soir jusqu’au lundi”.
Proximité de zones de vie
C’est la proximité des universités de Créteil qui a attiré Roberto Avallone, franchisé IT Trattoria, enseigne de restauration traditionnelle italienne à Créteil. En mai 2021, le franchisé s’est installé au sein du centre commercial Créteil Soleil (170 enseignes), pour bénéficier de la proximité de Paris-Est Créteil (UPEC), grand pôle universitaire avec des formations en médecine, en droit, et en économie : « Avec dix plats à moins de dix euros, dont des pizzas entières, nous sommes particulièrement accessibles pour les jeunes. Nous leur proposons une carte adaptée avec des formules pour les étudiants de 7,90 € à 8,90 € avec plat et boisson.” Alors qu’à Paris « c’est très compliqué et très cher de se garer”, compare le franchisé, à Créteil, il peut également se targuer de la facilité d’accès de son restaurant et des milliers de places de parking disponibles pour sa clientèle. « Situés à la sortie du métro et à l’entrée du centre commercial, nous sommes accessibles à tout le monde”, précise le franchisé qui cible aussi les familles. « Nous proposons également des menus enfants, de grandes banquettes, des chaises pour bébé, détaille-t-il. La proximité du RER permet aussi de toucher une population plus vaste.”
Ainsi, le franchisé se félicite d’avoir préféré la première couronne à Paris centre où “il n’y a pas d’emplacement, c’est bouché. Il faut conjuguer avec les nombreux bâtiments historiques, et donc avec les architectes des bâtiments de France et les multiples normes qui courent dans la capitale.”