Importé des États-Unis, le concept d’outlet n’a encore que 210 sites en Europe. Mais près de 4 500 marques y sont déjà présentes, et la croissance des ventes est attendue à +9 % en 2026 pour les enseignes*. « On considère que c’est la classe retail la plus performante et attractive », observe Antoine Frey, PDG du groupe éponyme. Car l’outlet ne se limite plus au déstockage.
« On distingue trois catégories : l’outlet luxe, très dépendant de l’international ; le premium, que l’on cible avec des marques comme Ralph Lauren ou Lacoste, qui génèrent entre 5 000 et 10 000 euros de chiffre d’affaires par mètre carré ; et le discount, que nous écartons, car trop proche du retail park, avec un rendement insuffisant », explique Antoine Frey. Le groupe privilégie ainsi le segment premium, où cohabitent grandes marques internationales et enseignes populaires comme Adidas, Levi’s ou encore Calvin Klein.
Situés en périphérie de grandes métropoles, ces sites obéissent à une logique de flux. « Il faut attirer au moins deux millions de personnes à une heure trente maximum de voiture. On peut comparer cela à un IKEA », poursuit-il. Pour les enseignes, l’outlet représente une vitrine supplémentaire, capable de générer plusieurs millions de visiteurs par an.
DESIGNER OUTLET BERLIN.
Crédit : FREY.
L’expérience comme facteur différenciant
Le succès des outlets tient aussi à leur capacité à offrir plus qu’un simple parcours d’achat. Terrasses de café, animations et espaces de loisirs transforment la visite en sortie conviviale. « Le consommateur veut les marques qu’il aime en profitant d’un discount très fort et aime l’aspect village, un peu pittoresque », résume Antoine Frey. À l’étranger, certains modèles montrent la voie. Au Royaume-Uni, Bicester Village attire environ 7 millions de visiteurs chaque année, avec un taux d’occupation proche de 100 %. Le site, pensé comme une destination touristique, mise sur une scénographie digne d’un parc à thème.
En France, on peut citer La Vallée Village, un site de plus de 100 boutiques de luxe, à proximité de Paris, qui accueille environ 6 millions de visiteurs par an. Il s’agit d’un des sites de loisirs les plus fréquentés de la région parisienne. Des succès qui illustrent la force du format quand il devient une véritable destination shopping.
Un secteur fragmenté
Le secteur reste cependant fragmenté. Les cinq opérateurs européens les plus importants pèsent ensemble moins de 40 % du marché, tandis qu’aux États-Unis, les deux premiers acteurs concentrent à eux seuls 78 % du marché. Les perspectives de concentration laissent donc augurer de nouvelles opérations. En rachetant le Designer Outlet Berlin (anciennement géré par McArthurGlen) et trois outlets premium en Italie (Franciacorta, Valdichiana, Palmanova), Frey s’est hissé au rang de troisième opérateur européen, derrière McArthurGlen et Neinver.
Historiquement positionné sur le commerce full price, le groupe Frey a opéré un virage stratégique. « On a multiplié le patrimoine par deux, nous avons désormais la main sur 19 outlets et plus de 1 000 marques », rappelle son président. En un an, le groupe est passé de 4 à 10 pays. Le groupe prévoit d’atteindre un équilibre parfait entre full price et outlet d’ici 2030 (contre 100 % full price en 2022). « Sur le marché du full price, nous sommes minuscules. Alors que sur l’outlet, nous pouvons devenir leader », avance Antoine Frey, qui vise 15 à 20 % de parts de marché en Europe.
De nouvelles perspectives pour le retail ?
La transformation du secteur dépasse d’ailleurs la seule logique commerciale. Le rapport European Outlet Industry Review 2025* met en avant l’importance de l’innovation dans l’aménagement des outlets. Les opérateurs développent des espaces mixtes combinant shopping, loisirs, espaces verts, restauration haut de gamme, et expérimentent aussi des services complémentaires divers afin de renforcer l’attractivité et rester compétitifs face au e-commerce.
Le marché lui-même est en forte expansion : le chiffre d’affaires a progressé de 23 % depuis 2019, atteignant 23 milliards d’euros en 2024, et devrait encore croître de 8 % en surfaces d’ici 2027*. L’Italie demeure le premier marché en nombre de sites, tandis que le Royaume-Uni concentre le plus grand nombre de marques présentes. Longtemps perçus comme secondaires, les outlets s’imposent donc aujourd’hui comme de véritables destinations, où les enseignes trouvent un relais de croissance stratégique.
*Ken Gunn Consulting.