En franchise, comme partout ailleurs, il faut rester en veille face à ses concurrents. Qu’il s’agisse de franchisés du même réseau, avec qui l’entente est généralement bonne, ou d’autres acteurs du marché, en franchise ou pas. Voici quelques conseils délivrés par François-Luc Simon, associé-gérant au sein du cabinet Simon Associés Paris, pour mener à bien son activité sur sa zone d’implantation et lutter contre toute concurrence déloyale.
Qu’est-ce que la concurrence en franchise pour vous qui êtes avocat de franchiseur ? Et comment le contrat de franchise l’encadre-t-elle ?
Dans le contrat de franchise, la notion de concurrence suscite deux types de clauses. Les clauses protégeant le franchisé : dans le cas où le franchiseur s’interdit de faire concurrence au franchisé dans son territoire ou de permettre à un tiers de faire concurrence au franchisé, et de l’autre, les clauses qui protègent le franchiseur. Par exemple, si le franchiseur interdit au franchisé d’exercer une activité concurrente pendant la durée du contrat.
Quels sont les engagements du franchiseur vis-à-vis du franchisé ?
Dans certains contrats de franchise, le franchiseur s’interdit de faire concurrence au franchisé dans son territoire ou de permettre à un tiers de faire concurrence au franchisé ; il s’agit d’un engagement d’exclusivité. Cet engagement d’exclusivité peut prendre plusieurs formes. Il s’agit essentiellement d’une exclusivité d’enseigne. C’est-à-dire, quand un franchisé est seul à exploiter l’enseigne sur le territoire exclusif, ou une exclusivité d’activité. Dans ce cas précis, le franchisé est seul à pouvoir exercer l’activité objet du contrat sur le territoire exclusif, et ce quelle que soit l’enseigne exploitée.
A quelles sanctions le franchiseur et le franchisé s’exposent-ils en cas de non-respect de la clause de non-concurrence ?
Soit le contrat prévoit expressément une sanction et dans ce cas, le préjudice est déterminé par le contrat, soit le contrat n’en prévoit pas et dans ce cas, le préjudice est déterminé par un juge. Le contrat est toujours rédigé par un avocat du franchiseur, raison pour laquelle ce document ne prévoit que des sanctions à l’égard du franchisé et jamais à l’égard du franchiseur. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas sanctionnables pour autant, mais simplement que le contrat ne s’en préoccupe pas. Il faut en réalité se baser sur deux clauses : la contractuelle et la post-contractuelle, qui se termine un an après la signature du contrat. Mais on peut prévoir des sanctions dans les deux cas. Là encore, les sanctions sont de deux natures, mécanique et pécuniaire impliquant de verser une indemnité financière. Pour la clause de non-concurrence contractuelle, cela peut aller jusqu’à la résiliation du contrat en plus d’attribuer une sanction pécuniaire. Et pour la clause post-contractuelle, quand il n’y a plus de contrat donc, au versement de cette indemnité.
Si le franchisé s’inspire de trop près du concept du franchiseur pour en créer un lui-même ? Voire le copie ?
Si en tant que porteur de projet, je tente de créer un autre concept à côté, calqué sur les codes de celui du franchiseur, je m’expose à une sanction d’un montant qui est généralement fixé à 100 000 euros. À savoir que le juge peut le modifier dans l’hypothèse où la clause est manifestement considérée comme excessive ou dérisoire. Enfin, le montant varie selon le secteur d’activités et du volume de l’activité de la personne. On sait aussi que ces actes sont des manquements volontaires et donc prémédités, d’où l’existence de cette sanction élevée quand on est rédacteur d’actes. Raison pour laquelle aussi, le franchiseur fait toujours des démarches au préalable pour protéger son concept de copies sur le marché.
Quels autres cas pratiques ou généralités pouvez-vous citer à ce sujet ?
Dans 90 % des cas, le contrat indique une clause d’exclusivité, qui fait que chaque franchisé est protégé par son contrat, qui garantit que le franchiseur ne laissera personne agir dans sa zone. Pour une succursale du franchiseur implantée là, le franchiseur serait évidemment fautif, mais cela n’arrive pas. En revanche, il arrive que dans les 10 % restants, le contrat ne garantisse pas une exclusivité totale, incluant une sorte de zone neutre. Une sorte de no man’s land, en quelque sorte. Enfin, il se peut que, dans les réseaux qui n’imposent pas cette exclusivité territoriale, un deuxième point de vente ouvre à proximité immédiate du premier, ce qui peut alors être discuté. Si c’est à moins de 10 minutes d’écart, cela nuira forcément au premier franchisé, comme au second. Attention aussi à ne pas s’auto-cannibaliser (se concurrencer soi-même), quand on gère deux magasins à la fois sous une même enseigne. Autrement l’équilibre du premier commerce sera automatiquement mis à mal. C’est la raison pour laquelle les franchiseurs font appel à des experts du géomarketing afin d’établir avec eux la distance qui sépare ledit commerce du consommateur. Les enseignes de pizza sont un cas particulier, notamment quand il y a des interférences à prévoir entre les différentes zones à desservir (livrer).
Comment régler un conflit vis-à-vis d’un confrère franchisé trop proche ?
En règle générale, c’est au franchiseur d’intervenir pour régler le conflit entre deux franchisés pour avoir les deux versions des faits, quelle que soit d’ailleurs l’origine du conflit, et faire preuve de pédagogie. Et de prendre position ensuite. Mais il arrive aussi, et dans le plus souvent des cas, que ce soit le franchiseur qui n’ait pas su mettre ses points de vente au bon endroit. Parfois, cela relève d’un problème de communication au sein du réseau. Pour exemple, le fait de faire de la publicité au bord d’une autoroute pour son commerce, quand le panneau publicitaire est implanté sur le territoire d’un autre franchisé et que ce dernier accuse ce franchisé de détourner sa clientèle par ce biais. Or, c’est à voir si cela est autorisé, sinon interdit par le contrat de franchise au départ. Là encore donc, il faut bien lire attentivement toutes les clauses avant de regretter son engagement avec l’enseigne. Par ailleurs, si un point de vente est situé de l’autre côté d’une frontière, il ne sera pas considéré comme concurrent, puisque sur une autre zone à part entière (et voir dépendant du master-franchisé). En outre, la concurrence peut être saine et bonne pour le dynamisme du territoire aussi. Tant qu’elle n’est pas déloyale. C’est notamment le cas des salles de sport via leur système d’abonnement, qui sortent vertueuses de cette même auto-concurrence.
Un franchisé peut-il attaquer son franchiseur ?
Oui, logiquement, on peut l’attaquer lorsqu’il n’a pas respecté le contrat de franchise. Cela peut arriver dans le cas où il ne respecte pas l’exclusivité territoriale pourtant promise au départ à son franchisé. Il existe aussi des conflits relatifs à la vente sur Internet, sinon lorsque le franchiseur dispose de plusieurs enseignes sur un même secteur d’activités, ce qui peut compliqué le quotidien des franchisés.
De quelles clauses se méfier avant de signer ?
Je répondrais à cette question en résumant ce qui s’est dit. Soyez averti avant de signer et sachez bien distinguer les deux clauses principales en matière de concurrence. D’une part, la clause de non-concurrence applicable pendant la durée du contrat, dite clause de non-concurrence contractuelle. Et d’autre part, la clause de non-concurrence applicable pendant 1 ans après le terme du contrat de franchise, dite clause de non-concurrence post-contractuelle. Vous avez de toutes façons un délai pour réfléchir à votre projet, grâce à la loi Doubin. Soit l’obligation du franchiseur, depuis le 1er avril 1991, de vous fournir un DIP au moins 20 jours avant la date de signature du contrat de franchise.