Bien que les candidats paient des redevances d’accompagnement en franchise en matière de communication et de marketing, notamment pour bénéficier de la notoriété de l’enseigne choisie, certains partenaires, au même titre que leur franchiseur, en oublient parfois les règles et les bonnes pratiques. Inversent les rôles, contournent les usages et négligent ce levier de développement pour eux-mêmes et vis-à-vis du réseau. Découvrez les conseils d’Emmanuelle Courtet, consultante marketing et communication chez Franchise Management et membre du collège des experts de la FFF, pour comprendre les droits et les limites du franchisé sur la question.
1° Qu’a t-on le droit de faire, ou de ne pas faire, en tant que franchisé en matière de communication ?
Il n’y a pas de lois, ou de textes précis, sur ce sujet. Nous-mêmes, au même titre que les franchiseurs, nous nous référons au droit relatif à la franchise et à la loi Doubin avec les informations précontractuelles et au Code de déontologie européen de la franchise et son annexe française. Beaucoup de ces DIP, qui sont juridico-juridiques d’ailleurs, ne reprennent pas beaucoup ces éléments vis-à-vis du candidat. Il existe bien une obligation de mentionner toutes les obligations financières du franchisé dans le DIP. Il est obligatoire d’y mentionner la redevance de communication. Mais les trois quarts d’entre eux ne sont ainsi pas marketés : ils sont incomplets sur ce point, voire peu digestes ou peu intelligibles, pour le candidat (dont primo-accédant à la franchise), alors que cela fait pourtant partie des forces et des éléments différenciants d’un réseau quand un candidat les compare !
Il est donc fortement recommandé de détailler sa politique en matière de marketing et de communication et la façon dont le franchisé sera accompagné en la matière ! Notamment sur la communication locale. Ces DIP mériteraient donc d’être musclés, dans un souci de transparence du réseau. La redevance doit aussi permettre de promouvoir la marque au niveau national mais cela reste relatif, notamment en fonction du stade de la vie du réseau. Mieux vaut parfois qu’elle soit ré-injectéee en local, quand le réseau démarre, sinon utilisée pour attirer des futurs candidats au sein du réseau. Mais sans exagération pour autant, entraînant des dérives ! Le but initial étant que la marque se fasse surtout connaître auprès du public et des consommateurs au départ. Enfin, le franchisé doit contribuer financièrement au réseau, et investir localement. C’est en mutualisant les forces que l’on renforce son réseau et son image de marque.
2° Qu’indiquent les contrats quant à la gestion des réseaux sociaux ?
Certains franchiseurs interdisent aux franchisés de créer leurs propres pages locales sur Facebook ou sur Instagram. Mais l’argument n’est plus valable aujourd’hui dès lors que la logistique et les habitudes de consommation ont évolué. En outre, avec l’entrée en vigueur du nouveau règlement d’exemption, le sujet est devenu très sensible. En réalité, le franchiseur peut centraliser sa communication, notamment car il n’a pas toujours la capacité de produire tous les contenus, ou bien équilibrer la balance en gérant lui-même sa page nationale mais en laissant la gestion des pages locales à ses franchisés sur un ou plusieurs réseaux sociaux. Autrement, c’est trop restrictif et difficilement défendable entre franchiseur et franchisé. Et ce dernier obtiendra gain de cause.
La bonne pratique consiste donc à définir une stratégie pour chaque réseau social pour un type de public en particulier. Et à bien définir les rôles quant à la gestion des comptes des pages nationales et locales. Si c’est différencié, alors le franchiseur devra lui fournir l’accompagnement dédié (et qualitatif), relatif à cette mission. Le former directement sinon former ses équipes, puisque généralement le franchisé n’est pas expert en communication, d’où le fait qu’il opte pour la franchise pour se libérer du temps à ce sujet. Le franchiseur peut donc lui fournir un guide d’exemples de posts à promouvoir, ou bien un calendrier éditorial basé sur des temps forts commerciaux et des actualités. Ou bien les services sont facturés, ou bien ils sont inclus dans la redevance, sont internalisés, ou bien externalisés à des prestataires compétents et référencés. Reste au franchiseur et à ses équipes (animateurs réseaux) de bien encadrer la mise en application de la charte, ce dernier étant responsable de son image de marque !
3° Comment se comporter au regard de la loi quand il y a plusieurs comptes et plusieurs admins sur ces plateformes ?
Il faut les encadrer contractuellement, oui ! Autrement, quand un franchisé quitte le réseau cela devient compliqué de récupérer sa page et ses admins. Mieux vaut que le franchiseur demeure administrateur et donne ensuite les ou l’accès au principal concerné (et à ses propres équipes), que l’inverse. Pareil pour les noms de domaine ; ce qui n’est parfois pas précisé dans les contrats alors que le franchisé agit, à son arrivée, en toute bonne foi. Sans compter les soucis de confidentialité qui en déclinent, suivis d’une mauvaise homogénéité du réseau quand les pages sont laissées à l’abandon, et au regard du client/consommateur.
4° Qu’en est-il de la gestion des pages Google et du site Web du franchisé ?
L’enjeu des réseaux est d’autant plus grand dès lors qu’il y a un site Web marchand. Nombre de franchiseurs font de la vente en ligne, et proposent le clic and collect. Problème : le site marchand est souvent perçu par le franchisé comme concurrent à son activité quand le consommateur passe par le site de l’enseigne au lieu de commander directement via le sien, ou via son magasin physique. Là encore, cela doit être bien encadré de façon contractuelle pour ne pas nuire aux marges du franchisé dès lors que ce client aurait pu acheter directement chez lui. N’est-il pas normal que le franchisé bénéficie d’une partie de la vente ? Le système doit donc être gagnant-gagnant.
On peut aussi s’appuyer sur un site marchand national, accompagné d’une réplique du site marchand dans chaque zone du franchisé, avec des partenaires qui appliquent leurs propres tarifs. Ce qui permet à l’utilisateur, selon sa géographie et son adresse IP, de ne voir que le site du franchisé ou la zone du franchiseur, sinon sa succursale pour accéder à ses biens ou ses services. Certains franchiseurs ne veulent pas que leurs franchisés s’occupent de la logistique, d’autres l’acceptent mais le plus important, c’est d’investir dans les bons outils pour équilibrer les ventes entre les différents franchisés. Et créer de la valeur ajoutée. Autrement, c’est crispant. D’autant plus avec les enjeux actuels du e-commerce et de l’omnicanalité.
Pour cela, les dirigeants peuvent impliquer les franchisés et les inciter à créer une commission pour mettre en place des discussions participatives. Quant aux pages Google my Business, elles sont importantes pour le référencement naturel. Le franchiseur doit les créer et décider là encore, en amont, qui les animera et qui en modèrera les avis. Sinon, la (e)réputation du réseau tout entier en pâtira!
5° Qu’est-il établi en franchise quant à la gestion des avis clients ?
Là encore, on doit offrir un système bénéfique aux deux partis. Dès lors qu’on dispose, je le répète, d’un site marchand national et d’une réplique du site pour le franchisé. Les avis clients sont d’ailleurs déterminants pour certains réseaux. Aux acteurs de la rénovation de l’habitat (chantiers), où le franchiseur devra avoir mis en place une vraie politique de collecte d’avis clients, par exemple. On peut aussi avoir recours à des prestations spécifiques pour n’avoir que des avis clients vérifiés. Et rendre ainsi son discours encore plus crédible et transparent à l’égard des internautes. Mais certains secteurs ne peuvent pas non plus se passer des avis Google. Reste à déterminer ses priorités de franchiseur. Et savoir si l’on souhaite ou pas et comment (et jusqu’où) mobiliser le client dans cette stratégie.
6° Faut-il que les franchiseurs laissent plus souvent la main à leurs franchisés en matière de communication locale ?
Si laisser une certaine autonomie au franchisé est positif, il ne faut pas oublier l’essence même de la franchise qui permet au chef d’entreprise de se reposer sur le réseau et sur son accompagnement garanti tout au long du contrat. La marque a été déposée par le franchiseur et la communication n’est là encore, (dans la plupart des cas), pas son métier d’origine. C’est pourquoi il dispose d’un catalogue d’exemples de posts et de contenus à mettre en avant pour respecter la charte de l’enseigne en question. Charge au franchisé de voir avec lui s’il faut plutôt investir en digital, dans la presse, l’affichage, en radio ou bien dans des supports papier et dans des campagnes en boîte aux lettres. Au franchiseur de le conseiller selon les aspérités de la région/ zone en question. Ce sera peut être différent en centre-ville ou en zone rurale par exemple, selon la façon dont les messages sont adressés aux clients. Investira-t-on plutôt dans la presse, en radio ou bien dans des supports papier et dans des campagnes en boîte aux lettres ?
7° Quels sont les leviers spécifiques en centre commercial ?
Le franchisé et le franchiseur devront s’adapter aux contraintes dudit centre commercial, et à ses temps forts commerciaux. Pareil si le franchisé fait partie d’une association de commerçants. Et toujours dans le respect de la charte du franchiseur, qui prévaut.
8° De quelle façon les campagnes digitales sont-elles encadrées ?
Tout dépend de comment l’enseigne a pris le virage du digital. Et si elle dispose (ou pas) d’un avantage concurrentiel sur le marché. Certaines l’avaient déjà entrepris avant la crise sanitaire, d’autres pas. Mais peu d’entre elles peuvent se permettre de faire l’impasse sur le digital et l’omnicanalité. Même si ces questions sont moins cruciales pour des secteurs qui ne fonctionnent qu’en BtoB, ou via de la génération de leads. Enfin, il y a des réseaux qui négocient avec des grands comptes ou même d’autres franchises pour renforcer leurs partenariats ou leur base de clients.
9° Les franchises participatives sont-elles l’avenir pour des relations franchiseur-franchisé fluides et transparentes en interne ?
Mettre en place une commission communication au sein du réseau peut largement améliorer les relations entre franchiseur et franchisé, comme de franchisé à franchisé, oui. Mettre en place ce type de débat ou de regroupement permet d’intégrer les franchisés dans la réflexion générale du réseau, comme de les informer des choix d’investissements pour l’année. Attention, les franchisés ne deviendront pas décisionnaires. Mais apporterons leurs remontées terrains bénéfiques à tous, y compris au franchiseur. Autrement, le sujet de la communication est souvent évoqué lors de la Convention annuelle lors de laquelle le franchiseur explique comment la redevance communication a été utilisée (sur l’année). Au franchiseur d’être pédagogue toute l’année et de vérifier lui-même ou via ses animateurs, si son savoir-faire et sa charte sont bien appliqués tout du long, également.
10° Bien s’entourer, et bien se renseigner…
Côté franchiseur, je remarque que l’avocat n’a pas souvent l’occasion de s’entretenir avec le responsable marketing de l’enseigne, d’où mon constat sur le fait que les contrats soient assez pauvres en matière d’informations sur la communication et le marketing, vis-à-vis du futur bénéficiaire, à savoir le franchisé. Je leur conseille donc de bien relire leur contrat afin que le document puisse répondre à toutes les attentes des candidats, ou bien qu’il le challenge en le rendant plus complet à l’avenir. Qu’il fasse aussi appel à du conseil juridique ou marketing et communication. Malheureusement, les dirigeants sont souvent assez perdus sur ces thématiques là ! Si le DIP et le contrat présentent des lacunes, la tête de réseau peut inclure ses franchisés dans cette réflexion pour coconstruire l’avenir et rendre encore plus complets ses documents. Faites appel à des conseils juridique et marketing/communication spécialisés en franchise. Et si le DIP présente des lacunes, qu’il n’hésite pas à inclure ses franchisés dans cette réflexion pour coconstruire l’avenir et rendre encore plus complets ses documents !
Côté franchisé cette fois, qu’il se renseigne sur ladite enseigne avant de signer avec elle. Il faut aussi se demander ce que fait le franchiseur pour faire connaître sa marque et comment la redevance de communication est utilisée au sein du réseau. Enfin, ne pas hésiter à appeler des franchisés en place pour enquêter sur le réseau en général. Autrement, ce sera difficilement comparable avec une autre enseigne.