Si Nathalie Souchal s’est tournée vers le réseau Cuisines Venidom à Clermont-Ferrand en juillet 2021, après des études de marketing et une expérience dans la petite enfance, c’était “pour devenir mobile en allant chez le client et avoir un vrai confort de travail, tout en adhérant à un concept financièrement accessible. Le tout pour une enveloppe de 85 000 euros, camion, flyers et cartes de visite inclus avec une immatriculation de la société à mon domicile”. Idem pour Cédric Rouleau qui a signé avec Ecolave sur les secteurs des Sables-d’Olonne et de La Roche-sur-Yon en 2019 : “Je n’ai pas à travailler tous les jours au même endroit, en plus d’avoir plus de temps avec mon jeune fils. Et ce, pour un montant clé en main de 25 000 euros, en ayant aussi acheté un véhicule d’occasion à un autre franchisé pour exercer”. Cet ancien restaurateur est aujourd’hui accompagné de deux salariés. Enfin, si Alexandre Deblaere n’avait pas quitté ses fonctions administratives dans un lycée parisien, il y a 5 ans, il n’aurait pas appris à piloter les side-cars de la micro-franchise Retro Tour, dans les vignobles bordelais. “Je ne connaissais rien au tourisme, avoue-t-il. Il a fallu me former, passer le permis moto, me faire connaître aussi. Mais pour moi qui avais peu d’apport personnel à l’époque, un droit d’entrée à 5 000 euros, c’était l’idéal. Maintenant, j’ai trois pilotes, dont deux auto-entrepreneurs et fais jusqu’à 3 ou 4 tours par jour ! ”
Ainsi, si ces structures attirent, c’est parce qu’elles rassurent : tant sur la promesse d’une meilleure qualité de vie que sur leur rapidité de mise en œuvre. Notamment quand, en 2022 encore, la Fédération française de la franchise (FFF) et la Banque Populaire recensaient parmi les trois critères de choix d’une enseigne sa notoriété (40 %), le risque financier limité (36 %) et la garantie d’une meilleure rentabilité de l’activité (30 %).
Un modèle accessible
“Une activité sans local, du moins au démarrage, permet d’amorcer une première rentrée d’argent, puis de grandir et réinvestir ensuite dans d’autres leviers. Car vous n’avez à payer ni de pas-de-porte, ni de loyer, voire de masse salariale, autre que le coût du concept de la franchise en lui-même”, note ainsi Nicolas Louis-Amédée, directeur du développement chez Territoires & Marketing. “Aussi parce que ce modèle attire souvent des cadres en reconversion qui travaillent seuls, ou n’embauchent pas plus de deux salariés, sinon des prestataires. De manière générale, il est vrai que les droits d’entrée y sont plus faibles. Mais là encore, cela est relatif aux performances et au chiffre d’affaires. Attention aussi aux frais additionnels derrière”, complète l’expert, quand en parallèle la facture des commerçants physiques a flambé avec la hausse de l’Indice des loyers commerciaux (ILC).
Une situation à laquelle échappe Matthieu Gobbé, franchisé ActionCoach depuis mars 2021 au Havre et à Caen après 15 ans de salariat dans le management et la supply chain, dès lors que ce dernier exerce seul pour l’heure. Tant depuis son domicile que directement chez ses clients, accompagnant des dirigeants d’entreprises dans leurs problématiques managériales. “Les coacher en visio me permet d’optimiser mes journées et mes temps de trajet. De travailler par demi-journées, comme de finir à 21 h aussi, si je le décide. Comme de pouvoir accompagner mes filles à l’école, ou de faire du sport le midi un jour sur deux. Pour ça, il a fallu avancer un fonds de roulement à la franchise, mais sans coûts structurels à payer aujourd’hui. Car un bureau en centre-ville m’aurait sûrement coûté 5 ou 10 fois plus cher”, note ce dernier. “Travailler sans local fait qu’il n’y a ni charges locatives ni charges qui devaient s’ajouter si l’on décidait de fermer nos entreprises. Car j’ai une franchise et mon époux deux”, indique de son côté Ophélie Brosse, pour La Compagnie des Déboucheurs à Orléans, qui se partage avec lui 4 techniciens sur le Loiret.
Mais gare aux fausses bonnes idées autour de la franchise sans local. Si des concepts tels que Carvrac, ou encore Les Opticiens Mobiles font sourire par leur originalité, il ne faut pas en sous-estimer l’aspect financier. Car “la facture peut vite grimper avec la hausse du coût de l’essence, l’achat et/ou l’entretien du véhicule de fonction et du matériel, comme avec la location d’un parking ou d’un local de dépôt, etc. Sans compter les frais supplémentaires de communication locale afin d’être identifié quand on n’a pas pignon sur rue”, met en garde Nicolas Louis-Amédée. Néanmoins, “il y a toujours des frais additionnels inhérents à la vie de l’entrepreneur en elle-même. Autrement, vous êtes censé savoir au lancement de votre franchise et à la signature du contrat si vous aurez des frais en plus, voire si vous devrez acheter un local ensuite mais ce ne doit en aucun cas être une surprise”.
Attention aux frais additionnels
De ce fait, certains, comme Nathalie Souchal, délimitent leurs trajets. “Je ne m’éloigne pas à plus d’une heure de route. Sinon, je perdrais trop d’essence, d’autant que nos devis sont gratuits. J’optimise donc mon temps en honorant des rendez-vous à la suite dans le même coin, quand c’est possible. Et parce que ma clientèle n’est justement pas de la ville”, déclare la cuisiniste. Quant à Matthieu Gobbé, qui n’exclut pas de recruter plus tard des salariés, il “ne balaie pas d’un revers de manche la possibilité d’aller un jour travailler dans un espace de coworking par demi-journées pour avoir un tiers-lieu”. Tous s’accordent ainsi à dire que la trésorerie est le nerf de la guerre. D’autant plus quand on gère du matériel sensible, à l’image d’Alexandre Deblaere : “Je suis vigilant car j’ai des révisions fréquentes de side-car. Ils tombent souvent en panne et parfois m’immobilisent. C’est sans compter le paiement des charges fixes pour les assurances, mais qui entrent dans ma comptabilité. Et puis, j’ai aussi trois garages pour mes véhicules et des salariés à payer !” C’est toute une fourmilière qu’a aussi créée Romy Lalayan pour fournir ses 9 distributeurs automatiques à pizza, chez Gang Of Pizza (répartis entre Besançon, Marnay et Romorantin-Lanthenay). Pour qu’ils puissent générer chacun en moyenne entre 6 000 et 8 000 euros de CA annuels (comme le garantit le franchiseur sur son site), l’entrepreneure gère en amont toute la partie immergée de l’iceberg : “Si le client obtient sa pizza en 3 minutes et 24h/24, il y a derrière, 72 heures de repos de la pâte ; pâte qui est d’ailleurs préparée au sein de notre laboratoire à Besançon. Et l’emploi de 5 salariés avec la gestion de deux camions frigorifiques pour assurer le réapprovisionnement. C’est du travail 7 jours sur 7 !”
Et puis, poursuit celle qui s’est “découvert de nouveaux muscles” en enfilant le tablier, “j’ai aussi souscrit à des contrats d’entretien des chambres froides, je suis accompagnée par un cabinet comptable et un avocat fiscaliste dans mon activité. Il y a donc des frais partout ! C’est dur parfois, il faut être très vigilant sur les chiffres. Mais après, on gagne aussi en qualité de vie”. Car à la différence d’une salle traditionnelle, compare encore Romy Lalayan, “je n’ai pas les aléas du service en salle. Et je retrouve mon fils et ma télé le soir. En plus d’avoir installé une application sur mon téléphone, qui m’aide à gérer et à suivre la consommation des distributeurs en direct”.
Allez plus loin !
Lire la suite dans le numéro 231 de L’Officiel de la Franchise, daté de juin 2023