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Nicolas Rebet : “Pour réussir, les marques doivent se différencier les unes des autres”

À l’heure où de nombreuses enseignes de l’équipement de la personne mettent la clé sous la porte, faute de ne pas avoir stabilisé leur modèle économique après la crise sanitaire, ni résisté à la hausse de l’indice des loyers commerciaux, malgré leur force de frappe en termes de maillage territorial et de savoir-faire historique, Nicolas Rebet, fondateur du cabinet de conseil Retailoscope, fait le point sur la situation. Et explore avec la rédaction quelques pistes d’avenir pour améliorer et personnaliser l’expérience client en magasin.

Avant de parler mode, textile et retail, présentez-nous Retailoscope et vos domaines d’expertise ?

Retailoscope, que j’ai créé en 2019, est à la fois un média social et un cabinet de conseil au travers duquel je travaille avec des marques luxe et beauté sur la définition de leur expérience client en boutique. Je réalise pour elles un travail de veille sur les tendances et sur les bonnes pratiques à mettre en place en magasin. Ces marques n’ont en réalité pas le temps de faire de la veille stratégique et ne savent pas où aller en début de projet. Je les éclaire ainsi sur ce qu’il se passe, ce qui peut se passer sur le marché et ce sur quoi elles sont attendues. Mais aussi sur ce qu’elles peuvent améliorer, ou sur comment développer de nouveaux services. Toujours sur la base de données auxquelles elles me donnent accès pour comprendre leur ADN et leur typologie de clients. J’exerce aussi sur une partie événementielle à destination d’entreprises, en interne, pour leurs partenaires ou leurs salariés, par exemple. Comme déployer des retail tours, en BtoB, ou des conventions, par exemple. Je suis surtout en relation avec leurs sièges en réalité. Et travaille également avec des marques qui se développent sous le modèle de l’affiliation. 

Crise sanitaire, inflation, mauvaise gestion des comptes… Pourquoi assiste-t-on brusquement à un déclin d’enseignes, qui pour certaines étaient pourtant historiques ?

Je répondrais d’un point de vue retail, plus que d’un point de vue économique. Si certaines marques disparaissent du paysage, c’est parce qu’elles n’ont probablement pas su rester à l’écoute des tendances de consommation, ni adapter le mix offre-boutique en conséquences. Si l’on se réfère aux dernières marques qui ont fermé, la plupart prônait des concepts vieillissants ou n’avaient pas d’offre différenciée ou différenciante. Elles sont donc tombées dans la banalité. Certaines sont restées ancrées à leur savoir-faire classique et se font désormais challenger par d’autres. Si l’on prend l’exemple de Kiabi, la transition est réussie. Le positionnement en entrée de gamme performe, notamment par le prisme des collections sportswear. Don’t Call me Jennyfer s’est aussi très bien digitalisée, tout en rayant renouvelé son parc et déployé des services innovants.

Et puis, les marques sont très challengées par de gros retailers à l’image de Zara ou H&M, ou encore par des marques que l’on ne retrouve qu’en e-commerce, avec des collections qui vont vite et savent quelles pièces sortir au bon moment. Les fameuses DNVB, comme Jimmy Fairly (lunettes), par exemple. Ce que d’autres acteurs n’ont pas eu la capacité, ou la volonté de déployer. J’entends par là que certaines DNVB ont su développer des concepts retail fort et disposent désormais d’un vrai réseau qui performe. Aujourd’hui, les consommateurs ont le choix et peuvent très facilement passer d’une marque à l’autre, d’une vitrine à l’autre. Ce qui n’est pas le cas du luxe où votre achat, si le bien ciblé en question n’est pas déjà rare ou exclusif, est immédiatement orienté. Elles n’ont donc pas réussi à imposer leur différence et leur valeur ajoutée.

Quant à la question de la digitalisation, ce point a été préjudiciable à certaines enseignes, qui ne s’en sont pas servies de levier de croissance. Le contre-exemple, c’est La Redoute. L’entreprise était en faillite mais a su retrouver sa bonne santé en adoptant un parti pris fort sur l’univers de la maison, plus que sur les collections mode. En clair, La Redoute Intérieurs est devenu très désirable !  

Quelles sont les enseignes, dans le commerce organisé, dont le modèle, solide et/ou résilient, inspire au contraire ?

On a souvent une ‘vision parisienne’ du retail, dans le sens où, quand on parle de magasin expérienciel, on pense à un magasin très design ou très coloré, lisse, qui fascine la clientèle. Mais la plupart des marques qui participent à l’économie, et font le vrai retail français, sont celles qui ont maillé tout l’Hexagone. Sézane, par exemple, est très centre-ville et n’ouvre que sur des emplacements phares. Néanmoins, la stratégie de marques comme celles-ci est solide : présenter des magasins qui racontent une histoire et ne se ressemblent pas, y compris sous la même enseigne.

Autre exemple : la marque Bonne Gueule. L’idée, pour résister, c’est d’ouvrir des points de vente qui fonctionnent aussi bien en province qu’à Paris. Cela ne requiert par forcément de gros investissements mais il faut miser sur un aménagement intérieur attirant ou sur des couleurs qui vous distinguent. Je cite également Kilo Shop qui est devenue attractive sur le marché avec une promesse bien particulière sur la seconde main et qui a pris des parts de marché entre temps ! Sont en revanche amenées à disparaitre les multimarques qui ne se distinguent plus les unes des autres et ne bénéficient plus, ou peu, de flux clients pour cette raison-là. 

Se différencier sur le marché, mais aussi à l’égard des consommateurs, passe également par un sourcing produit plus local, soit en France soit en Europe. Y a-t-il des évolutions concrètes de la part des directions d’enseignes sur leurs marchés respectifs ? 

Le marché de la chaussure le fait bien et source de plus en plus au Portugal, ou du moins en Europe. Mais on reste sur des produits malgré tout accessibles. En revanche, les acteurs du textile le font beaucoup moins. L’enseigne 1083 y a recours par exemple, mais demeure sur un marché de niche. Quant aux enseignes de la cosmétique, qu’elle soit bio, ou clean, le secteur est en pleine mutation. Là, on sait beaucoup plus sourcer les produits en Europe, voire même en France. Et dans ses propres laboratoires de production, même ! Ces produits sont généralement plus chers que ceux du mass market mais font au moins partie d’une vraie proposition locale. On est donc capable de faire de la cosmétique de qualité et de la produire pas loin, alors que pour le textile et la mode, c’est plus compliqué ! 

En tant que retailer et dirigeant d’enseigne, quels sont les indicateurs à suivre, ou les bons ingrédients à utiliser pour faire perdurer son concept et son modèle économique dans le temps ? 

Il faut être fort sur son omnicanalité. Penser que le(s) produit(s) devra(ont) être vendu(s) partout et être accessible(s) sur tous les canaux de vente possible. Comme pour la livraison ! Et en apportant un soin particulier à l’expérience client et à la qualité du service pour fidéliser la clientèle. Tout particulièrement si vous vendez un produit concurrentiel. Vous devrez également être proche de votre terrain et savoir ce que souhaitent vos clients pour coller à leurs attentes. Mais aussi penser à des implantations dans des villes moyennes.  

Est-ce aussi pour cette raison, outre la hausse de l’ILC et des coûts d’exploitation qui ont coûté à certaines enseignes comme San Marina, Kookaï ou encore Camaïeu, que ces enseignes délaissent progressivement les villes à forte densité pour des villes plus moyennes ? 

ll faut, dans tous les cas, se montrer agile. Et implanter partout sa marque où c’est possible. Après des études de marché bien sûr ! Et se montrer en capacité de bien connaître le marché local. Là encore, pour (re)donner une vraie personnalité au point de vente et à son commerçant. Comme dans le cas d’une franchise par exemple. Mais tout en respectant la charte de l’enseigne, ses recommandations, sa PLV, etc.

Comment les enseignes du commerce organisé doivent-elles se réinventer alors ?

Elles doivent se démarquer. Mais puiser dans leur ADN d’enseigne pour continuer à mettre en avant leur savoir-faire. Cela peut passer par le fait de ressortir d’anciennes collections par exemple, pour le côté vintage et nostalgique, ou encore par le fait d’ouvrir un pop up store. La nuance est là car il ne faut pas, pour autant, tout réinterpréter. Restons donc proches des valeurs de marque en question ! Enfin, pour se réinventer et perdurer, les marques doivent améliorer l’expérience client. 

Parlons d’expérience client justement, quelle est votre analyse ? Que pourraient-elles améliorer sur ce point ?

C’est parfois la petite attention en magasin qui fait toute la différence. Comme le fait d’offrir un café au client, lui passer un coup de fil pour connaître sa satisfaction, etc. Car certaines le font très peu alors qu’il y a forcément des temps morts dans la journée du vendeur, qui pourraient être utilisés à bon escient pour cela. À l’inverse, le taux de réponse du questionnaire de satisfaction, traditionnellement adressé après un achat au client, n’est, je pense, pas très élevé et plus vraiment pertinent. Et, quand bien même il serait négatif pour être constructif, il n’engage pas le débat derrière. Peu d’outils et d’enseignes sont capables de répondre. Faisons donc en sorte que ce soit un minimum personnalisé ! Pourquoi pas explorer cette piste là avec une IA, par exemple. En tout cas, entrer en contact avec un vendeur aujourd’hui demande à l’enseigne, en termes de logistique, beaucoup de temps, de moyens, et d’effectifs pour s’y adonner. Reste aux enseignes de (re)travailler leur positionnement sur les réseaux sociaux pour être plus proche de leurs clients. Mais qu’elles entretiennent une proximité réelle avec elle, et non de façade !

D’où l’essor et l’importance de mettre en place des stratégies d’influence et de bien choisir ses partenaires et créateurs de contenus pour créer sa désirabilité d’enseigne. En animant derrière des points de vente et en créant des temps d’échange avec les clients car on en voit pas assez, alors que c’est et sera vecteur et porteur de sens pour ces dernières !

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