Face à un grand épisode de sécheresse qui touche plus de 82 départements du territoire et aux restrictions d’eau qui s’y appliquent sur arrêtés préfectoraux, les professionnels de la piscine réagissent. Et s’organisent pour accompagner leurs partenaires situés dans les zones où les niveaux d’alerte sont les plus hauts. Discours de vente vis-à-vis des équipes et des clients, modification des stocks magasin, report de chantiers, nous avons questionné plusieurs dirigeants d’enseignes sur les stratégies mises en place pour continuer à générer du chiffre d’affaires et du flux client.
Revenez l’été prochain pour un plongeon ! Sécheresse oblige, certains particuliers devront attendre l’été 2024 pour se baigner dans leur jardin, ou dans leur piscine municipale (certaines ayant été contraintes de fermer), suite à la décision du ministère de la Transition écologique en mai dernier, de mettre en place des mesures restrictives pour l’accès à l’eau. À date, en effet, plus de 82 départements sont concernés par ces mesures, dont les 104 communes de l’Oise, l’Hérault, le Var, les Pyrénées Orientales (liste non exhaustive) ou encore, depuis le mois de juillet l’Ardèche (baisse du débit des rivières). Avec plusieurs niveaux d’alertes. Le niveau de vigilance appelant à la pédagogie, celui d’alerte interdisant partiellement la consommation d’eau, ou encore l’alerte renforcée qui elle, interdit entres autres l’arrosage (hors systèmes localisés). Et pour finir le niveau de crise qui impose de prioriser l’eau pour les interventions de la sécurité civile et les services de santé, comme dans les Pyrénées Orientales (également pour garantir un accès à l’eau potable).
Une situation qui contraint les professionnels de la filière à se réorganiser pour maintenir leurs volumes de ventes en magasin (dont franchises et concessions), à revoir leur discours de marque et leurs stocks. Ou même à reporter certains chantiers et procéder à des arbitrages avec leurs prospects (futurs clients).
Un savoir-faire imperméable à toute saison
Néanmoins, bien que le phénomène soit très médiatisé, les commerçants rationalisent. Comme Christophe Leroy, à la direction marketing et communication de Piscines Magiline (112 concessions de vente et construction de piscines en béton), pour qui ce sont “des micro-zones qui sont touchées sur un même département. La situation peut être tout à fait différente à 200 km de là, entre deux points de vente d’un même concessionnaire, par exemple. Mais si les restrictions n’empêchent pas de vendre, elles impliquent à nos concessionnaires de devoir s’adapter à plusieurs cas de figure : ou bien conseiller avec pédagogie le client sur l’entretien de sa piscine existante dans le respect des restrictions car c’est notre rôle, ou bien prendre rendez-vous en vue d’un chantier à l’automne. Car l’interdiction totale ou partielle de remplissage d’un bassin dépend du fait que vous ayez déjà creusé, ou fait creuser votre piscine (ou non)”. En effet, poursuit ce dernier, “un premier remplissage après premiers travaux est autorisé pour ne pas abîmer les matériaux utilisés pour le fond de la piscine*”. Et puis, note encore ce dernier malgré des magasins situés dans les Pyrénées Occidentales, le Var et l’Hérault, “la situation ne nous est pas inhabituelle puisque notre activité est saisonnière. Que l’on construit et remplit les bassins à l’automne, en vue d’en faire profiter l’été suivant”.
Pas d’inquiétudes non plus du côté d’Aquilus Piscines et Spas (60 concessions) dont le savoir-faire repose sur l’adaptation même des équipes aux aléas météorologiques. D’autant que le réseau propose des spas et des piscines à monter soi-même (et du matériel pour) et non des piscines hors-sol, qui elles sont plus ciblées par ces arrêtés. “Oui il fait de plus en plus chaud chaque été, mais les niveaux de sécheresse annoncés sont moindres par rapport à l’an dernier, contrairement à ce qui se dit actuellement”, estime ainsi Xavier Fourel, le président de l’enseigne. “D’ailleurs depuis l’an dernier, on s’organise différemment pour avoir des travaux qui se terminent plus tôt dans la saison. Quant aux chantiers en cours, nous avons avancé un maximum dessus, pour que les piscines puissent être remplies avant la mise en place de ces nouvelles restrictions. Nous savons donc comment pallier la saisonnalité du métier”.
En outre, si 9 communes du Var (pays de Fayence) ont proscrit l’installation de nouveaux bassins privés jusqu’en 2028, certains maires ont aussi, à titre préventif, pris des décisions tout aussi radicales face au contexte météorologique. “En Ardèche, certains refusent des permis de construire, mais davantage pour des raisons d’accès à l’eau, plus complexe, qu’au vu du contexte de sécheresse. Mais ce n’est ni représentatif à l’échelle de la France, ni pour notre réseau“, indique encore Xavier Fourel. De ce fait, la situation varie là encore d’un territoire à l’autre.
Enfin, si chez Cash Piscines (147 magasins pour 20 affiliés) on vend du matériel pour l’auto-construction et l’auto-entretien de son bassin, les efforts se concentrent, plus qu’avant encore, sur l’écoute et le conseil-client en magasin. Et sur le décalage d’opérations commerciales, corrélées à l’anxiété des particuliers désireux d’arrêter ou reporter leur projet d’aménagement. À l’inverse, “beaucoup en profitent pour entretenir leur bassin avec des produits spécifiques. Nos affiliés peuvent donc mettre en avant d’autres produits en linéaires, plus propices à l’entretien des bassins. Et ainsi équilibrer leurs ventes, même en cette période“, constate Frédéric Guyot, directeur général du réseau qui détient notamment plusieurs concessions autour de Perpignan.
Impactées, mais de façon moindre par ces restrictions, les enseignes tirent toutefois quelques enseignements de cet épisode de sécheresse, gardant à l’esprit le défi de toujours répondre à leur promesse de vente. Mais en conseillant davantage les clients, comme en rassurant les partenaires de leur réseau, à qui elles ont promis une rentabilité de l’activité du tout long. Toujours dans le cadre du ‘guide sécheresse’ édité par Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’écologie en mai dernier.
Rester rentable 365 jours par an
Car si chez Aquilus Piscines et Spas cette fois, Xavier Fourel n’observe “pas d’annulation de chantiers mais des reports, dus à des prises de décisions plus longues, grâce à une bonne planification en hiver, quand les derniers se sont arrêtés il y a un mois déjà“, l’heure est à la diversification des collections. “Nous allons de plus en plus introduire de nouveaux produits pour équilibrer les ventes. Et venons d’ailleurs de lancer nos premiers récupérateurs d’eau pour inciter les clients à ce geste écologique. Nous pourrons aussi en proposer sur nos prochains chantiers pour aider les particuliers a gérer leur trop plein d’eau. La stocker et la réinjecter au bon moment pour éviter son évaporation. C’est donc aussi les inciter à faire un hivernage actif“, précise ce dernier, dont le rythme d’ouverture est de 5 à 10 nouvelles unités par an. Idem chez Cash Piscines, quand pour Frédéric Guyot, “le partenaire de Perpignan ne peut plus vendre de piscines hors-sol jusqu’à mi-juillet, mais voit la demande client augmenter pour des bâches“. Et qu’il faut en parallèle aussi trouver des solutions pour attirer la clientèle, là où les températures sont plus fraîches. “Comme dans la Loire, où jusqu’à mi-mai il a fait très frais, et où les gens ne venaient pas en magasin“, illustre ce dernier.
Une autre stratégie, qui a toujours été dans l’ADN de l’enseigne depuis 42 ans, consiste à s’entourer de partenaires multi-sites, capables d’évoluer sur 3 piliers de vente différents pour amortir la saisonnalité (et les épisodes de sécheresse) de l’activité en elle-même. “Nos concessionnaires vendent ainsi des produits d’entretien, d’outdoor et des accessoires en haute-saison, sur un ou plusieurs magasins, en plus de faire de l’entretien (SAV), ou d’avoir des contrats d’entretien pour des semi-pro plus que pour des particuliers. Ce qui leur permet de garder un certain niveau de chiffre d’affaires toute l’année durant“. Enfin, reprend la direction de Cash Piscines, “les commerçants entrepreneurs qui sont à cheval sur deux zones, étant multi-sites peuvent transférer leurs stocks d’un point de vente à l’autre, selon les tendances et l’actualité. Et de réaliser les devis clients en basse saison pour assurer leur trésorerie, donc à l’automne ou en hiver“.
Prévention anti-noyade et incendies
L’ultime critère de réussite passe par la formation au discours de vente pour accompagner le projet du client. Comme chez Cash Piscines où, là encore, les équipes de vente “insistent sur le fait de bien déclarer sa piscine en amont à la commune, sur la bonne gestion de l’eau chez soi et sur le maintien du niveau dans le bassin, ainsi que sur la PLV chez nos gérants de magasins et l’édition de catalogues de conseils“. Idem chez Piscines Magiline, où les partenaires ont régulièrement accès à des webinaires ainsi qu’à un e-book interactif disponible sur toutes nos tablettes, propre à cet argumentaire là en magasin“, précise Christophe Leroy. Car il ne s’agit pas là uniquement de vendre, mais bel et bien de sensibiliser les publics aux enjeux climatiques et de sécurité.
“Même si l’on n’a pas tous compris certaines restrictions, notamment sur l’interdiction de remise à niveau du bassin, alors que certains terrains de golf continuent d’être arrosés et que le bassin d’un particulier consomme bien moins d’eau, il faut insister sur la pédagogie au client. Lui donner un maximum de conseils pratiques sur l’entretien de son bassin, ne serait-ce que pour trois raisons : utiliser des solutions déjà existantes comme des bâches anti-évaporation (aussi pour éviter la propagation de moustiques), ou le traitement de l’eau de pluie pour re remplir son bassin, mais aussi préserver les enfants quand une alarme de piscine ne se déclenche qu’à partir d’un certain niveau d’eau. C’est la raison pour laquelle, après des discussions avec la filière et la FPP (Fédération de la piscine en Europe) et depuis le 14 juin, le département du 66 a réautorisé la remise à niveau“.
Enfin, disposer de piscines (correctement remplies), “c’est aussi aider les secours en cas de besoin“, insiste ce dernier. Et d’illustrer son exemple par “celles qui ont servi à éteindre les incendies en Gironde l’an dernier. Car cela représente une sécurité supplémentaire pour les communes. Notamment celles qui sont les plus exposées aux feux“.
Mieux gérer les chantiers de demain
Ultime enjeu pour les enseignes de piscines ? Bien recruter et mieux former à la gestion des chantiers, pour éviter là encore les gouffres énergétiques chez les particuliers et des malfaçons. Avec, chez Piscines Magiline, “la possibilité de pouvoir bénéficier de la présence de 4 directeurs régionaux déployés sur le terrain qui aident les partenaires à anticiper leurs chantiers ou a gérer les équipes de terrassement ou a trouver des abris de chantier aussi, et à recruter des techniciens en amont“, quand sa direction estime pouvoir encore ouvrir 30 à 40 concessions sur le territoire.
Et alors que l’on compte plus de 3,4 millions de piscines à entretenir en France et 25 % de piscines enterrés, construites par les propriétaires eux-mêmes, la filière ne devrait pas s’essouffler de sitôt. Voire même ne jamais manquer à son devoir de pédagogie à l’égard du grand public quand les étés seront de plus en plus chauds et de plus en plus propices aux baignades et aux investissements dans les piscines ou les spas. Que ces bassins seront de plus en plus auto-construits par les particuliers par souci d’économies, plus que par les constructeurs eux-mêmes. Et que ces dernières seront aussi moins énergivores, sinon auto-filtrantes grâce à l’utilisation de nouvelles technologies (et de data) ou de boîtiers connectés. Pour une auto-gestion responsable depuis son transat, au risque de se voir rappelé à l’ordre par l’Office français de la biodiversité (OFB), en charge de contrôles sur le territoire et de délivrer des sanctions, si non respect des consignes.
Pour l’heure en tout cas, chacun peut consulter ‘Vigie eau’, l’application qui permet de connaître les restrictions d’eau en cours, autour de chez-soi.
*Un particulier peut adresser une demande de dérogation à la Direction Départementale des Territoires, si sa piscine nécessite d’une première mise en eau après construction. Et est beaucoup moins impacté par ces consignes s’il possède un spa (1 m3 d’eau). Dans tous les cas, les commerçants appellent les particuliers à consulter le plan local d’urbanisme via leur mairie pour éviter tout conflit avec elle.