Vous avez envie de devenir ambassadeur d’une enseigne à l’étranger ? À l’occasion de la sortie du livre blanc ‘master franchise et développement international’, Jean-Philippe Chenard, associé chez Delcade Avocats, nous livre ses conseils. Il nous explique notamment toutes les notions juridiques et contractuelles à connaître avant de s’engager dans un tel projet. Un ouvrage qui s’adresse aussi bien aux têtes de réseaux qu’à leurs futurs bras droits.
Pourquoi un ouvrage sur la master franchise ?
Etant avocat depuis 2000, spécialisé dans le droit de franchise et les réseaux du commerce organisé, ayant aussi bien travaillé du côté des franchisés que des franchiseurs, j’avais simplement envie de partager mon expérience du domaine en illustrant noir sur blanc quelques cas clients. En réalité, cet univers peut-être très complexe quand on souhaite soit entreprendre pour la première fois en tant que franchisé, soit apprendre à se structurer en tant que (futur) franchiseur quand on a déjà un concept en tête à dupliquer. Car il faut rédiger le contrat, sinon le contrat de licence de marque, protéger sa marque, mais aussi rédiger des contrats avec les fournisseurs, sinon gérer ou centraliser les approvisionnements du réseau et y lancer son laboratoire. Comme sur le secteur de la restauration, par exemple.
Avant de parler des cas pratiques, expliquez-nous comment lancer sa master franchise ?
La tête de réseau dispose de plusieurs formules pour se développer dans un pays étranger ou une région. Soit investir directement dans une succursale, soit se lier avec un partenaire au sein d’une société commune (joint-venture) et détenir 50 % des parts. Enfin, il peut trouver un partenaire local indépendant qui sera prêt à prendre la licence pour la développer lui-même et créer un réseau de sous-franchisés grâce au savoir-faire transmis par le franchiseur étranger. Le master franchisé devient alors son nouvel intermédiaire sur un pays ou une région entière. Quant à lancer un réseau en France, on se rend compte, nous avocats, que l’étape la plus difficile réside souvent dans le recrutement du futur ambassadeur de l’enseigne.
Quels thèmes abordez-vous plus précisément dans votre livre ?
J’y aborde la question du contrôle du réseau. Plus précisément du côté du franchiseur qui souhaite exporter sa marque. Comment conserver son savoir-faire au fil du temps, malgré la distance et les frontières ou les évolutions du réseau, par exemple. Mais aussi son contrôle financier, ou les objectifs du master franchisé, aussi. Ou encore comment évaluer le montant des redevances que doit lui payer le master franchisé. La question est d’ailleurs cruciale car sans bonne définition de ce montant, c’est une bonne partie de son chiffre d’affaires qui peut s’évaporer ; surtout s’il détient aussi des succursales ! Car oui, un master franchisé peut parfaitement développer un réseau de sous-franchisés indépendants et en parallèle, des points de vente en propre (succursales). Et puis, j’aborde les questions liées aux contenus contractuels; les équivalences avec le droit français.
Justement, qui décide du droit qui s’applique ? Le franchiseur ou son master franchisé ?
C’est généralement le franchiseur qui choisit car c’est lui qui rédige les documents. Néanmoins, le master franchisé peut opter pour sa juridiction et la loi de son pays. Le droit international laisse justement cette liberté aux entrepreneurs. Mais je ne conseille pas aux enseignes étrangères de choisir leur juridiction, si celle-ci est trop éloignée de la nôtre. Ni de choisir un tribunal qui ne soit pas de droit français car cela crée des déséquilibres manifestes. Mieux vaut donc se soumettre aux lois locales. Si l’on prend l’exemple d’un franchiseur français aux Etats-Unis, il pourra choisir la loi française s’il le souhaite, mais encore faut-il que le master franchisé américain l’accepte ! À défaut, on peut trouver une loi d’un pays tiers (qui ne serait la loi d’aucune des deux parties). Par ailleurs, il est d’usage, dans les contrats internationaux, d’avoir recours à une juridiction arbitrale (mode de règlement privé d’un litige) et non pas aux tribunaux. Il convient alors de stipuler une clause compromissoire désignant un tribunal arbitral qui sera compétent en cas de litige (par exemple, la Cour Internationale d’arbitrage de la CCI de Paris).
Quelles sont vos recommandations à l’égard des futurs master franchisés ?
Avant tout, on ne devient pas master franchisé sans avoir été franchisé auparavant. Ensuite, c’est de bien faire attention au plan de développement joint au contrat. Et d’avoir un échéancier ou un calendrier pour éviter de s’exposer à une sanction du franchiseur en cas de non-réalisation des objectifs. Ce qui inclut aussi de se méfier des têtes de réseau trop gourmandes, chez qui le rythme d’ouvertures de points de vente n’est pas raisonnable. Car cela vous expose à une perte d’exclusivité et à la nomination d’un autre master franchisé à votre place. Je conseille donc au master franchisé de négocier un délai avec l’enseigne, entre le moment où l’objectif non réalise est constaté, et l’application de la sanction. Et de prévoir des clauses pour permettre de réguler la situation en bonne intelligence.
Enfin, le master franchisé doit lire attentivement le contrat qui lui est proposé. Nombre d’entre eux sont souvent mal rédigés, soit légèrement améliorés mais ne prévoient pas toutes les situations éventuelles. Vérifiez avant de signer, que les conditions commerciales stipulées sur le document s’appliquent bien à tous les points de vente qui seront développés dans le cadre du plan de développement, avant de signer. En effet, il arrive fréquemment qu’elles ne s’appliquent qu’au premier point de vente, sans couvrir les ouvertures ultérieures. Il est donc conseillé de rédiger un accord cadre précisant le champ d’application des conditions commerciales prévues dans le premier contrat. Et puis, il faut toujours s’entourer d’un avocat spécialisé en la matière, notamment pour rédiger cet accord cadre, auquel le premier contrat de franchisé ou de master franchise doit être joint.
Considérez-vous que la master franchise est tendance ces dernières années ? Aussi bien vers la France que depuis la France vers l’étranger ?
La demande est forte des deux côtés mais demeure complexe à concrétiser. Beaucoup d’entrepreneurs rêvent de s’exporter mais il demeure un fossé entre les attentes et la réalité du terrain. Car cela demande une trésorerie suffisante pour le franchiseur et une sélection très pointue du partenaire idéal. Ceci-dit, la France attire toujours ceux qui gravitent autour des secteurs pour laquelle elle est réputée : le textile car c’est facile à l’export (même si le secteur est actuellement bouleversé), la mode et la restauration. Certains font même le choix d’investir via la France pour se développer en Europe. Mais peu de franchiseurs sont prêts à encourir le risque de tout perdre en investissant sur un nouveau marché. Quand on évoque ce sujet, on est aussi forcés d’évoquer le montant du droit d’entrée du master franchisé ; très variable selon la notoriété de l’enseigne. Aux Etats-Unis par exemple, il peut s’élever à plusieurs centaines de milliers d’euros ! Tout dépend aussi du temps qu’il met à se structurer (avec le marketing et la communication aussi) et de l’accueil reçu par les structures compétentes sur ce nouveau pays ; les banques et les avocats d’affaires !