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5 questions sur la montée en puissance du hard discount

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Sans surprise, Action est cette année devenue l’enseigne préférée des Français. Illustrant le grand retour des Français vers le discount face à l’inflation, des acteurs étrangers historiques comme Lidl et Aldi accentuent leur développement quand de nouveaux discounteurs profitent du contexte pour faire leur entrée. Décryptage.

Face à l’inflation, les hard discounters sont en plein essor et séduisent de plus en plus les consommateurs. Récemment, le cabinet de conseil en stratégie Ey Parthenon révélait dans son étude annuelle que le hollandais Action était devenu l’enseigne préférée des Français. Pour la première fois, le bazar discount dépasse les habitués du podium que sont Leroy Merlin et Decathlon, qui oscillent depuis quatre ans entre la première et la deuxième position du classement.

Dans ce contexte de forte inflation, ce repli des consommateurs vers le hard discount a accéléré le développement d’autres enseignes à petits prix étrangères, déjà bien implantées sur le territoire français. Ainsi, les spécialistes du discount venus d’Outre-Rhin Aldi et Lidl (Allemagne), ainsi que B&M, enseigne britannique qui a fait le rachat de Babou en 2018, continuent sur une expansion soutenue annonce Knight France dans sa dernière étude sur le marché immobilier du retail en France.

De même, ces développements ne s’arrêtent pas qu’aux discounters déjà présents en France. Cette semaine, l’enseigne de bazar discount TEDi, venue d’Allemagne, a ouvert son premier magasin en Normandie. De son côté, Fabrice Gerber, ancien de Système U, Aldi et Leclerc, intensifie la concurrence en lançant sa propre enseigne discount, Toujust. Une cinquantaine d’ouvertures sont déjà prévues d’ici la fin de l’année.

Béatrice Durant Mégret, enseignante-chercheuse à l’Ecole de Management Léonard de Vinci et directrice d’une chaire de recherche sur l’impact des technologies disruptives dans la distribution, décrypte cette tendance.

Comment l’inflation actuelle impacte-t-elle les modes de consommation des Français ?

Ce qui faut savoir c’est qu’il y a des paradoxes. Les Français n’ont jamais eu autant d’épargne. Mais l’inflation provoque une angoisse et du coup, il y a effectivement une volonté de surveiller ses dépenses quotidiennes. On le voit avec le bio qui a perdu 6 %, les consommateurs font attention, c’est une certitude. Au quotidien, quand on voit le coût des produits de base augmenter, le succès d’Action, qui est un bazar, est basé sur le fait qu’on peut se replier sur des produits plus durables que les produits qui doivent être consommés à la semaine.

C’est un moyen de se faire plaisir sur des choses qu’on va garder longtemps, on a l’impression de compenser la perte de pouvoir d’achat. Je pense que si c’est le magasin préféré des Français c’est qu’il donne du bonheur aux gens. On n’a pas de plaisir à acheter la salade, les tomates et les œufs toutes les semaines car c’est de la nécessité. Et on a encore moins de plaisir quand on ne peut plus s’acheter le yaourt coulis de fraise dont on a l’habitude car il devenu trop cher. Aujourd’hui, on est dans le déplaisir pour les produits du quotidien.

Cette tendance du hard discount est-elle amenée à s’imposer dans le marché de l’alimentaire ?

Le hard discount est arrivé en France avec Ed, de Carrefour. En 1980, c’est au tour d’Aldi, qui a été créé en Allemagne après la guerre en période de crise économique. Puis, il y a eu Leader Price et Lidl. Avec le temps, toutes ces marques sont passées du hard discount au soft discount. Elles ont dû apporter de la qualité, des produits frais et bios. Le soft discount est arrivé pour répondre aux impératifs français. Un Allemand préfère faire l’impasse sur les produits alimentaires de qualité pour s’acheter sa BM quand en France on est plutôt gastronomes : le plaisir sur la nourriture est important.

Avec tous ces hard discounters qui sont devenus des soft discounters, aujourd’hui on a un tas de nouvelles enseignes qui arrivent pour prendre cette part de marché qui a été délaissée finalement. Il y a une place pour les hard discounters. Mais est-elle pérenne ? C’est toute la question.

Comment les hard discounters arrivent-ils à proposer des prix aussi bas ?

Ils proposent de tels prix car ils achètent de très gros volumes. C’est ça la recette magique d’Action, des bas prix par un pouvoir de négociation grâce au nombre de points de ventes de la chaîne. C’est aussi une présentation minimaliste, sans aucune valorisation de l’offre dans des magasins, dans des entrepôts peu éclairés. Ils fonctionnent ainsi également grâce aux salariés polyvalents. Cela a posé un problème quand Aldi et Lidl sont arrivés en France, il y a eu des grèves. Et ce, à cause du principe qui impose que tout le monde soit capable de tout faire selon les besoins, du réassort à la caisse en passant par les palettes à décharger des camions de livraison.

Mais au-delà la du côté français gastronome qui privilégie des produits qualitatifs, un manque de maillage géographique a causé le manque de succès du hard discount à l’époque, dont la plus grosse part de marché en France a atteint 1 2%. En Allemagne, où le modèle est né, c’est 40%.

Face à la montée en puissance des hard discounters, comment les distributeurs classiques arrivent-ils à faire concurrence ?

Par définition, un hard discounter affiche des prix bas toute l’année, et donc ne fait pas de promotion. Alors que dans les grandes surfaces traditionnelles, même si la guerre des prix a toujours existé, il y a des promos. Le gouvernement a demandé à ce qu’un certain nombre de prix de produits soient bloqués pour que tout le monde puisse manger à sa faim, de même pour les produits d’hygiène, que tous les prix des produits de première nécessité soient ainsi bloqués.

C’est là qu’on revient à ce côté d’achat malin. Vais-je aller chez Carrefour acheter les cinq produits bloqués dont j’ai besoin pour après aller chez le hard discounter acheter les mousses au chocolat que j’avais achetées au même prix il y a deux ans chez Carrefour. Le plus malin, c’est peut-être de tout acheter chez le hard discounter.

Je ne suis pas sûre que les hard discounters subissent un effet négatif des prix bloqués dans les enseignes traditionnelles. Les profils types de consommateurs en ont vraiment besoin : grâce aux discounters, ils peuvent acheter autant qu’avant pour subvenir à leurs besoins. Mais il y a également des profils qui ne sont pas à 5 euros près par jour mais qui vont aller chez des hard discounters car c’est le moyen de compenser la perte de pouvoir d’achat.

Récemment, le maire de Sevran a fait parler de lui dans les médias suite à son refus d’accepter le déploiement dans sa ville d’Atacadao, enseigne discount brésilienne de Carrefour. Ces enseignes peuvent-elles rencontrer des freins à leur implantation ?

Pour implanter un magasin de plus de 1 000m2, l’enseigne doit passer devant une commission qui regroupe des commerçants de la ville, des élus et des consommateurs. Dans ce cas, contrairement à ce qui se fait d’habitude où le projet est accepté car cela crée de l’emploi et de l’animation, le maire a porté sa voix contre. Ce n’est pas nouveau. Au lancement de Toy’r’us en France, il se disait que c’était le grand méchant loup américain qui allait tuer les vendeurs de jouets de quartier. De même que pour Carrefour qui allait tuer les crémiers indépendants. Ici, avec un Lidl et un Leader Price déjà présents à Sevran, il essaye de gérer la concurrence de manière saine et d’éviter d’avoir une surreprésentation du hard discounter.

Tout dépend des cas des villes. Par exemple, dans des mégalopoles comme Paris et Marseille, où il y a une population dense, c’est une répartition géographique de l’accès au choix et à des variétés de gammes de prix qui est importante. On en revient à cet achat malin et cet achat plaisir. Tout le monde a envie de se faire plaisir pour peu cher. C’est pour ça que les commissions sont constituées de consommateurs pour qu’ils aient du choix, de commerçants pour qu’ils ne soient pas tués malgré eux sans qu’on leur demande leur avis, puis d’élus pour équilibrer l’offre et préserver les commerces de quartier.

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